Jardin d'Eden

Published on September 8 2014

© Alain Passard

© Alain Passard

Ce que j'ai d'abord connu (et aimé) chez lui, c'est son goût pour les collages. En 2011, le chef de L'Arpège publiait Alain Passard, collages et recettes (éd. Alternatives), et je n'avais pas réussi à le rencontrer pour écrire un papier. Mais imaginer la cuisine comme un voyage et comme un gigantesque assemblage de saveurs, d'où jaillissent des notes nouvelles, m'avait intriguée. La créativité de cet amateur de jardins commençait-elle dès le potager ?

La réponse est oui. Mercredi 27 août à L'Arpège, le restaurant parisien à deux pas du Musée Rodin où Alain Passard est triplement étoilé, c'est une danse de saveurs chorégraphiée par le chef depuis son jardin. Dans la salle, c'est mieux qu'un ballet à Garnier. Un service feutré, minutieusement orchestré, se joue entre les quinze tables — des touristes essentiellement — de la belle salle Art déco du restaurant. Dans l'assiette, le légume est roi, et le duo tomate-basilic au meilleur de sa forme. En majesté, pour ce menu estival, Evergreen, blanche du Canada, noire charbonneuse, Yellow Boy en carpaccio sont émincées comme du papier bible. En version sushi, la tomate flirte avec la feuille de figuier et la moutarde d'Orléans (ah bon, c'est pas Dijon, la moutarde ? ;), et c'est exquis. En consommé, c'est le grand bain pour quatre fines ravioles, et c'est encore meilleur !

Le maestro n'est pas sectaire. Ce qui est sûr, c'est qu'ici le végétal n'est jamais traité comme une simple garniture. Que dire du gratin d'oignon doux parsemé de mûres sauvages ? des notes fumées de la pomme de terre pourpre qui accompagnait ce soir-là le bar en croute de sel ?... Quel festin ! ça croque, ça mousse, ça surprend les papilles à chaque bouchée. L'alliance du homard de Chausey au miel et son concombre transparent déploie des notes de fauve marin, le légume prolongeant le goût aquatique du crustacé… Une partition sans fausse note, accompagnée d'un Volnay Clos des chênes 2006 — un bourgogne comme je les aime, parfait sur un comté de la mort (4 ans d'affinage!) et une pointe de morbier !

Oserais-je prétendre que le gigot était le plat de trop (aïe, chuis pas très viande rouge !) (et puis, j'avais plus faim...) ? Emettre un bémol sur le millefeuille Caprice d'enfant ? La pâte était exquise, mais les fruits, en compote, manquaient de ce petit je-ne-sais-quoi qui faisait swinguer les autres plats (le sirop d'érable dans le chaud-froid d'œuf aux quatre épices, par exemple !). Une Arpège pas descendante pour autant, et le dîner le plus chic de ma vie ! Merci de tout cœur à celui qui l'a partagé avec moi ! (Et maintenant, j'arrête les points d'exclamation pour les dix prochains posts au moins ;)

Published on #En Avion

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