La chimie de l'amour

Published on August 30 2016

© Expo Houellebecq/ Palais de Tokyo

© Expo Houellebecq/ Palais de Tokyo

Benjamin Isti, 32 ans, est chanteur. Après une première carrière d'avocat, cet autodidacte passionné a trouvé sa voie/voix "sous les encouragements et l'amitié tutélaire d'Etienne Daho" qu'il a rencontré un jour par hasard. Il devrait bientôt sortir un premier album intimiste de 15 titres, Tant pis pour la belle histoire. Des histoires, il en a plein sa besace, lui qui a connu 1001 aventures "avant de trouver la note juste". Et notamment à propos des parfums qui ont compté pour lui, des "tranches de vie" autour des femmes qui l'ont marqué.

Chaque parfum de ma vie est lié à une femme, à un regard qu'on a porté sur moi. Ma tante d'abord, elle aimait beaucoup les hommes qui sentaient Fahrenheit. J'avais 15 ans, un âge où l'on met plutôt du Calvin Klein ou du Gaultier, et moi je portais du Dior pour lui plaire !

Vers 20 ans, ce fut 212 Men de Carolina Herrera. J'aime bien l'idée de ne pas forcément porter ce que tout le monde porte. C'est comme acheter un livre dans un Relais H,  jamais ! je préfère rencontrer un livre quelque part... Je n'aurais jamais changé de parfum s'il n'avait pas disparu. Encore aujourd'hui, il ne m'évoque que des bons souvenirs, un vent très fort de liberté, de sensualité. Il avait la cote auprès des femmes, ce qui est toujours très flatteur. Quand on aime ton parfum, tu as l'impression qu'on t'aime un petit peu toi...

Le parfum, c'est une tranche définie de ma vie. Chacun me renvoie une part de moi-même ou de ce que je voudrais être. Fahrenheit, je ne pourrais plus. Ca raviverait toutes les blessures de l'adolescence, un mal-être terrible...

Après 212, la traversée du désert. Plusieurs parfums mais aucun qui ne m'ait vraiment plu. Ca collait bien avec la multitude des histoires sentimentales que je vivais. Or, la multitude, c'est le néant. A un moment, Eternity, de Calvin Klein, est venu conjurer une peur très forte. Son côté estival contrecarrait mon angoisse, sans l'apaiser.

Puis Body Kouros, d'YSL, un parfum de petit joueur, de cour d'école. Mais je garde de la tendresse pour lui, car il possède quelque chose d'un peu viril et de romanesque, un dosage subtil qui le rend mélancolique.

Chêne, grand amour

Un parfum, ça t'indispose, ou bien ça te donne confiance. En période de déshérence, tu ne sais plus. J'aimais bien alors me repaître du parfum que portaient les femmes que je fréquentais. Mandragore Pourpre, d'Annick Goutal, cela m'amusait de leur en offrir un flacon à défaut d'en porter moi-même. Mais il ne me reste finalement aucune trace de ces histoires, elles ont glissé sur moi, et leur parfum aussi...

Depuis trois ans, je porte Chêne, de Serge Lutens. C'est le grand amour ! Et c'est encore grâce à une femme que je l'ai découvert. Un matin, je prenais mon café chez Carette, place des Vosges, une fille ravissante est entrée, elle sentait merveilleusement bon alors qu'elle venait de finir un jogging. J'étais intrigué, je n'ai pas pu m'empêcher de lui demander ce qu'elle portait. C'était un Serge Lutens, je ne sais plus lequel, faudrait que je lui demande... On a vécu une histoire, pas très longue mais bouleversante.

© Serge Lutens

© Serge Lutens

C'est bien après la fin de notre histoire que je me suis rendu Palais-Royal, d'ailleurs je n'ai même pas vraiment décidé d'y aller... J'étais d'humeur très poétique, un jour où j'étais inspiré pour... vivre ! Je me promenais dans le coin, et je suis tombé nez à nez avec la boutique Serge Lutens. Un parfum, c'est une rencontre, pas un truc que tu planifies. Lorsque j'en suis ressorti avec Chêne, j'ai envoyé un texto à la femme de Carette.

Je ne me parfume pas tout le temps. C'est très lié à mon humeur. Indispensable en période de fragilité, en hiver. J'en mets les jours où je doute, ça me protège, comme une douve, un bouclier, une armure, ça m'ajoute quelque chose. Les jours plus tranquilles, je peux m'en passer... Me contenter de ma propre peau. Parfois, au contraire, j'en remets chez moi, rien que pour moi.

Le parfum joue un rôle bien plus important qu'un vêtement. Avec un bon parfum, même en tongs, tu te sens fort. Idéalement, il doit pouvoir traverser les saisons. Sinon, cela signifie qu'il peut t'abandonner, et ça, c'est quelque chose que je ne peux pas concevoir…

Published on #Paroles d'Odeurs

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