Natacha voit rouge

Published on June 25 2013

© Marsu Productions

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Vendredi, quand j'ai vu Natacha débouler échevelée Chez Marianne, ce restaurant du Marais où l'on aime se retrouver en terrasse, je me suis dit, Mince, ça a l'air grave. Et ça l'était (toutes proportions gardées...): "Je viens de passer chez Goutal. Figure-toi que Mon parfum Chéri n'existe plus !"

Malgré son nom stupide, Mon Parfum Chéri est un peu la marque de fabrique olfactive de Natacha en hiver. Cette prune à l'ancienne, dévorée par le patchouli, adoucie par l'iris, l'héliotrope et la violette, a été créée par Isabelle Doyen à partir d'une concrète retrouvée dans un vieux meuble ayant appartenu à Colette. Un sillage de femme fatale, qui renoue avec les grands chypres mystérieux de la parfumerie, de Mitsouko de Guerlain à Femme de Rochas. C'est Camille Goutal qui l'a voulu, pour rendre hommage à sa mère, comme dans un film hollywoodien des années 1940, lèvres vermillon et longs gants de satin.

Lancé au Studio Harcourt en 2011, Mon Parfum Chéri appartient à ce genre qu'on dit clivant – il enivre les uns autant qu'il désespère les autres. Peut-être que s'il s'était appelé "Le parfum de Colette" il aurait rencontré le succès. Mais à l'époque, la marque Annick Goutal ne veut pas prendre le risque de se fâcher avec... la boutique branchouille de la rue Saint-Honoré. Bilan, le parfum vient de disparaître des magasins car, a-t-on dit à Natacha, "il n'a pas rencontré son public".

Quel euphémisme ! Annick Goutal, depuis son rachat par un groupe coréen en 2012 (leader de la beauté en Corée du Sud, l'équivalent d'un L'Oréal), ne s'est pas contentée de relooker ses flacons. La marque a viré de son catalogue quatre fragrances, "momentanément", précise la maison dans Les Echos. Si l'on en croit le site Au Parfum, Folavril, l'Eau de Camille et l'Eau du Ciel pourraient eux aussi disparaître prochainement (en tout cas, ils se trouvent de moins en moins facilement...). Les boutiques Goutal font aussi le choix désormais de ne distribuer des échantillons que pour les nouveautés. Dommage ! Car quelques gouttes d'une Heure exquise ou d'un Grand amour sont parfois l'occasion de provoquer un coup de foudre, voire une nouvelle addiction et donc une fidélité à toute épreuve, ou presque.

Ce n'est ni la première ni la dernière fois qu'un parfum disparaît sans laisser de traces. Jour de fête, chez L'Artisan parfumeur, qui sentait le dragée, l'Eau de cologne blanche, de Dior, une senteur virginale, Nuits indiennes, de Jean-Louis Sherrer, un oriental addicitif, ou le parfum de Paloma Picasso – un chypre, justement, lancé dans les années 1980 et qui reste un des symboles de ces années-là, à l'image de son inspiratrice, épaulettes, œil noir et bouche rouge –, tous ces parfums se sont définitivement évanouis des rayons du jour au lendemain.

A l'heure où plus de 1000 parfums sortent chaque année (tous circuits de distribution confondus), il faut bien faire de la place sur les étagères. On pensait la pratique réservée aux jus vendus dans les Marionnaud et les Séphora. Mais les labels qui furent un temps alternatifs, comme Annick Goutal, sont aujourd'hui rachetés par de grands groupes, qui ne laissent plus le temps aux parfums qu'ils lancent de s'installer et de "trouver leur public" (restreint, peut-être, mais fidèle). Bref, Natacha est en colère, et on la comprend !

Published on #L'Air du Temps

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A
Encore une marque qui va se mettre à faire des parfums éphémères ou des éditions spéciales ultra marketing, avec des matières premières qui tiennent plus... ça m'agaaaace !
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